Capitaine fracassé

Deux semaines se sont écoulées depuis le premier interclubs de la ligue Ile de France de spee...crossminton. Écrire un truc sur le sujet maintenant que la fièvre est retombée est pour le moins décalé, voire inutile mais c'est ainsi, je n'ai jamais été à l'heure des grands rendez-vous, que ce soit avec ma première amoureuse (L'aimais-je vraiment pour être en retard ? Il n'est plus vraiment temps de se poser la question), ou ma première victoire d'un tournoi qui m'attend toujours quelque part sur un quai de gare et finit par monter dans le train après m'avoir attendu jusqu'à l'ultime limite. Et puis j'ai aussi un faible pour le futile, l'inutile, le décalé, le suranné et écrire un billet sur cet événement déjà lointain n'est pas pour me déplaire et me séduit même. Après tout, nous vivons tous notre rapport au temps d'une manière très intime et le mien est particulièrement détendu. Je ne suis pas journaliste sportif, heureusement pour le journalisme et pour le sport, et rien ne m'oblige à tenir des cadences infernales pour faire une pige payée au lance-pierres.

Donc, revenons à notre sujet, ce fameux interclubs. Déjà, j'y étais. Ce qui n'était pas gagné au départ, puisqu'après presque trois ans d'absence du spe...crossminton et autant du sport, j'ai ressorti ma raquette de mon vieux sac poussiéreux mi-septembre. Dix jours plus tard, la proposition tombait. Tu ne voudrais pas participer au premier tournoi de la saison ? Moi qui espérais que ces premières séances ne fussent pas les dernières vu mon état de santé rutilant, pensez que j'ai accueilli cette proposition avec beaucoup de réserves. Pourquoi pas, ai-je répondu. Et je savais à ce moment là que j'étais admis dans la cour des très grands. Sans compter le cachet qui m'a été proposé par le club pour le représenter dignement, mais de cela, je ne peux pas parler, à cause des termes du contrat qui m'imposent le silence sur cet aspect. Enfin, j'étais refait. Donc, je m’entraînais, essayant de retrouver cette condition physique et technique oubliées. J'en étais là de ma préparation quand, une dizaine de jours avant le D Day (ouais, je sais, Jour J, ça fait moins classe), au cours de l’entraînement, me voilà proposé capitaine de l'équipe Eragny1. Rien de moins ! Pourquoi cela ? Étais-ce la reconnaissance de mes tiers pour mes compétences et mon savoir accumulés, étais-ce le clin d’œil pour mon retour après une longue absence, étais-ce la pitié, du genre, le pov'gars, on va le sortir de l'oubli, étais-ce un pari pris sur mon dos (tu verras, il n'acceptera jamais, il n'est pas à la hauteur), j'avoue m'être posé pas mal de questions. Sans que j'aie la réponse. Qu'importe, j'étais dès lors propulsé capitaine d'une équipe de joueurs guerriers et on allait voir ce qu'on allait voir. Capitaine. Moi qu'on choisissait le dernier ou l'avant dernier quand il s'agissait de constituer les équipes à l'école, moi qu'on mettait dans les buts ou les cages, histoire que je ne dérange pas trop le jeu des vrais joueurs, ceux du terrain, moi qui n'ait jamais été chef de quoi que ce soit, sauf sur une chaîne de conditionnement de produits à mettre dans les chiottes quand j'ai commencé à chercher du boulot et que la boite d'intérim a vu tout de suite en moi le potentiel que j'avais. Et ce n'était pas fini. Il fallait maintenant désigner les joueurs devant jouer contre les autres équipes, constituer les doubles. Un vrai casse-tête stratégique. J'ai quand même été un peu aidé par Thomas pour cette première, parce que capitaine, c'est presque un boulot d'intellectuel et pour ça, je suis pas fort. Pour aller vite, enfin, un peu plus vite, après une journée harassante, pensez, après trois ans de farniente, se taper six matchs sur la journée, c'est quand même pas la plage, le résultat est tombé. Sans appel. Eragny1 sort première de ce premier interclubs. Je pose une question simple. Mon talent ne vous a pas manqué durant trois ans ? Vous pouvez répondre par la négative si vous êtes de mauvaise foi. Sinon, j'accepte les applaudissements, les embrassades, le portage par la foule délurée, un feu d'artifice est le bienvenu. Chers amis, je vous remercie pour vos félicitations et vos encouragements, j'entends bien quelques sifflets mais ils sont lointains et couverts par les acclamations. Je peux, pour ceux qui le souhaitent, donner quelques conseils désintéressés, mais faites vite, mon agenda se remplit rapidement. Bon, c'est vrai, capitaine Eragny1 c'est quand même pas Captain America ni même Michel Platini version 1982. Mais c'est quand même pas si mal d'écrire une page de la grande histoire de ce petit sport. Une statue devant le gymnase ne serait pas pour me déplaire. J'attends la souscription. J'y verse ma prime de match. Ne me dites pas merci, je sais récompenser mes fans.