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Le blog de los lobos speedbadminton

Sale attente en salle d'attente

1 Mai 2013, 20:07pm

Publié par Los Lobos speedbadminton

 

Vous avez été nombreux, lors du tournoi d'Eragny, à me poser la question « Quand le prochain article ? » Cela démontre au moins trois choses. Une, vous n'êtes pas insensibles aux articles que je poste avec plus ou moins de régularité. Deux, l'absence de mes articles crée en vous un manque, une frustration que vous souhaitez voir comblés. Trois, vous m'indiquez très poliment et avec beaucoup de classe que je suis un gros ramier. J'ai déjà répondu, à plusieurs reprises et via quelques articles bien placés (Rame, rameur, ramier) sur cette fatale accusation. Et voyez-vous, je n'ai qu'une chose à dire. Vous avez raison. Je n'ai rien à opposer à cette affirmation et franchement, cela soulage ma conscience.

Mais devant tant de sollicitations, devant ce mouvement populaire enjoué et guilleret, j'ai décidé de répondre présent et de chercher le sujet qui vous conviendrait. Pour être tout à fait complet, je dois avouer que je me suis présenté sur le tournoi avec l'intention d'y trouver la source d'inspiration mais vos appels du menton n'ont fait qu'aviver l'attention que je portais à la chose. Ces deux jours de tournoi m'ont fourni l'occasion de garder mes sens en éveil, à l'affût de l'idée – des idées – qu'il me suffirait alors de mâchouiller pour mieux les recracher une fois les sucres et les parfums assimilés. En plus de cette quête et de l'observation minutieuse des gestes, personnes, des événements, vous m'avez même fait l'honneur de me souffler quelques propositions, dans le cas, bien improbable, où mon inspiration viendrait à défaillir. Que nenni ! Votre serviteur, toujours vaillant (même si certains s'interrogent sur cette vaillance lors de mes affrontements face à l'adversaire) a déjà une pleine marmite de sujets qui n'attendent plus qu'à mijoter sur le bûcher de ma fougue créatrice.

 

J'ai, certainement comme vous, beaucoup déambulé dans les couloirs et les gradins durant ce long week-end de tournoi. En y réfléchissant un peu, c'est quand même un truc étrange un tournoi. Être enfermé, de son plein gré, avec des personnes venues de toute la France, pour taper quelques minutes dans un petit bout de plastique coloré et passer le plus clair de son temps à attendre...attendre. Avouez que cela relève pour le moins du bizarre, au pire du mystère. Regardons les choses d'un peu plus près. Une poule de tournoi est constituée de trois à quatre matchs d'une durée moyenne de trente minutes. Une journée de tournoi démarre à huit heures, huit heures trente et se termine à dix-huit heures le samedi, dix-sept heures le dimanche, ce qui, au bas mot, nous fait une heure trente à deux heures de jeu pour dix-neuf heures de présence, soit un peu plus de dix pour cent de temps de jeu pour quatre-vingt dix pour cent du temps passé à attendre ! Bien sûr, certains petits malins vont s'amuser à refaire les calculs, estimer le temps de jeu à plus ou moins quelques minutes par rapport à ce que j'avance, objecteront que celui qui sort de sa poule continue son chemin, cumule du temps de jeu supplémentaire et voit la proportion de l'attente diminuer d'autant. Tout cela est effectivement en partie vrai, mais c'est l'esprit plutôt que la lettre qu'il faut retenir dans mon exemple. De tout cela, il me faut tirer une question simple. Que se passe t-il durant ces quatre-vingt dix pour cent du temps passé à patienter?Je répondrais volontiers « rien », un rien qu'il faut pondérer par une observation un peu fine des relations, des comportements, des échanges, des dialogues qui constituent le gros de ce « temps hors du temps », parenthèse flegmatique et insipide, épisode larvaire et rampant, moment de salle d'embarquement, dortoir de garnison où la minute est remplacée par l’enchaînement des matchs au tableau de marques, tantôt rapide, souvent ralenti et interminable.

« Alors ? », mot fourre-tout, à l'accent curieux ou inquisiteur, inquiet ou fanfaron semble le plus employé dans les allées où se croisent les joueurs, comme pour relancer une improbable discussion qui portera fatalement sur la manière de jouer, quelques commentaires creux et sans valeur sur le match que l'on vient de terminer, selon que l'on a perdu ou gagné face à l'adversaire, d'autres sur la forme physique, la performance, la douleur, la forme ou la fatigue, la force du joueur d'en face ou l'excuse d'après la défaite. Cette vacuité n'a de sens que parce qu'elle est partagée et admise implicitement comme faisant partie du jeu et c'est uniquement pour cela qu'elle prend tout son sens et sa valeur, car elle participe des relations sociales nécessaires dans ce type de rendez-vous, où les personnes tourneraient folles s'il n'existait pas ce remplissage fumeux et futile du temps qui ne passe pas, où le vide s'impose et nous soulage finalement face au néant constitutif du tournoi, où même le temps attend sagement son tour et la fin du tournoi pour reprendre le cours normal des choses.

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